Du 30 janvier au 3 février, le collectif artistique WIVES s’installe à la Chapelle et offre la performance Action Movie. Le collectif féministe propose une relecture critique des recettes qui font des films d’action un outil d’oppression et de pouvoir. En tentant de créer un film d’action en direct sur scène, les trois performeuses/danseuses (Julie Thomas, Emma-Kate Guimond et Aisha Sasha John) parviennent à souligner à gros trait les travers, évidences et ressorts dramatiques prévisibles de ce genre populaire.

Dans un premier tableau présentant la genèse d’un film, sur un sol jonché d’objets étranges et banals (tuyaux, éléments de plomberie, chaînes etc.), les trois performeuses explorent le scénario avec les moyens du bord, tous plus absurdes les uns que les autres. Le pont entre réalité et fiction est ici déconstruit de manière ludique et donne lieu à l’une des belles trouvailles de la performance : le jeu des « weapon ideas », une succession d’idées d’armes fantaisistes et absurdes destinées à détruire certains types d’ennemis. Bien entendu, le tout s’inscrit dans la dénonciation, par l’absurde, de tous les clichés qui se retrouvent dans les films d’action, par exemple, le voyage dans le temps pour empêcher un ennemi de devenir qui il sera dans le futur.

Le deuxième mouvement quand à lui pousse un cran plus loin dans la démystification, et démonte les ressorts dramatiques du genre. Par un jeu hilarant de mimes des séquences les plus éculées de ce genre de films (fusillades, duels, filles aux poses lascives, courses poursuites etc…), WIVES nous invite à réfléchir sur ces dynamiques répétitives : les acteurs ont beau changer, l’action demeure la même à peu de chose près. Bien que prévisible, cette approche permet de créer une complicité avec le public, qui rit de la distance entre réalité et fiction (une course poursuite métaphorisée par des sauts à cloche-pied, c’est vraiment drôle).

Une fois le principe posé, la pièce va de plus en plus profondément au cœur du sujet et sort de la superficialité de l’imitation. La déconstruction se poursuit et s’intensifie par une succession de questionnements sur le processus de création d’un film, l’inclusion du réel par la projection d’une vidéo de rires et de bloopers des danseuses, mais aussi une séance de bruitages/doublage dans laquelle la chorégraphie est dictée par la bande son. Chaque danseuse interprète sa perception propre de ce qu’elle entend, et l’on se rapproche petit à petit du point focal de la performance : lors du dernier mouvement de la performance, chaque interprète définit tour à tour « son » film d’action, c’est ainsi que le caractère narcissique du héros des films d’action et la construction d’un soi idéalisé se révèlent. Bien évidemment, chaque film tourne autour de soi, ou du moins d’une version de soi qui détient le pouvoir, sous une forme ou une autre. Et c’est là qu’on touche au message de la performance.

En oscillant entre la fatalité du réel et la construction de la fiction, en exposant ainsi des clichés et en les réinterprétant dans une veine féministe, le collectif WIVES parvient, de façon ludique, à susciter une réflexion sur le « soi », le pouvoir et l’interaction entre les deux. On dépasse définitivement la simple dénonciation des films d’action hollywoodiens, et c’est tant mieux!

Crédit photo : Manoushka Larouche