Au mois de mars dernier, je suis allé faire un tour au Texas. Oui, vous avez bien lu, le Texas, terre des George Bush et des cow-boys, une destination toute républicaine, ultra conservatrice, anti mariage gay, tout ça tout ça… Bon, je l’avoue, je me suis greffé au projet de deux amis qui avaient des envies de grands espaces. Un road trip au Texas, quand il fait -72°C à Montréal? YOLO NUMBER ONE!

Passage en revue (rapide) des détails touristiques de l’aventure : les routes interminables qui s’élancent jusqu’à se perdre dans l’horizon (le trip total pour quiconque aime conduire comme moi), les paysages désertiques dignes des cartes postales, des oasis où les sources naturelles alimentent des piscines publiques (Balmorhea State Park), le mystère des lumières nocturnes de Marfa et ses galeries d’art, le bain de pied dans le Rio Grande et un accueil chaleureux et amical de la part des habitants rencontrés (on s’entend qu’on résiste à la tentation de faire son coming out et de parler politique ou contrôle des armes…conseil d’ami).

Le message est clair.

Bref, un superbe road trip dans l’ouest du Texas où j’en ai pris plein les mirettes… mais ce genre d’aventure ne vaudrait pas la peine d’être vécu si on ne parlait pas également des nuits passées dans des motels improbables à l’entretien douteux et aux tapisseries à motifs floraux défraîchis, ainsi que l’absence totale du concept de légume frais, après quelques jours, je vous le donne dans le mille : ça manque. Ça manque au point où chaque feuille flétrie de laitue iceberg devient une joie, un accomplissement, le nirvana au bout de la fourchette. Fin de la parenthèse touristique.

Une fois revenu à la civilisation à Austin, capitale et phare démocrate au sein de cette contrée républicaine, j’ai abandonné mes compagnons devenus carnivores par les circonstances, pour aller m’encanailler avec un cowboy et finir le séjour par une excursion-découverte des mœurs locales. En plein festival SXSW, l’ambiance était chaude et festive. Je me suis donc offert trois jours complets d’exploration chez le fameux cowboy (exploration du cowboy lui-même aussi, mais on ne va pas épiloguer hein, tout le monde a compris de quel type de rodéo je parle) bref, ça valait bien la peine de louer une maison sur AirBnB…
Au programme des trois jours : sexe, cigarettes et alcool à profusion; Austin est la ville des USA où on boit le plus d’alcool, m’a dit fièrement Lucky Luke*, ployant sous le poids d’un de ses amis qui venait de tomber en plein milieu du bar, dans une sorte de coma éthylique, sous mes yeux ébahis.
Lucky Luke et moi avions sérieusement connecté l’un avec l’autre. Avec la légèreté toute naturelle des rencontres que l’on sait sans lendemain. Les trois jours ont été une parenthèse enchantée dont seuls les voyages en terre inconnue ont le secret. C’est donc le cœur un peu lourd que j’ai quitté le Texas, en me disant que c’est toujours trop court…surtout vers la fin. Mais c’était sans compter le YOLO NUMBER TWO…

Un peu cliché, mais vrai

Évidemment, après des aventures et une rencontre pareille, mon cœur de Blanche Neige un peu connasse s’est dit tout bonnement : je dois aller jusqu’au bout du rêve (merci Dalida). Alors après moult hésitations, j’ai plongé dans le YOLO comme on doit le faire, les cheveux au vent, bravant les doutes, les appréhensions, le risque d’échec et je me suis réinvité chez Lucky Luke pour le congé pascal. Allons dans le monde merveilleux du YOLO découvrir si l’amour n’est pas dans le champ de pétrole.

Me voilà donc reparti avec mon bagage en cabine et mon sourire aux lèvres, seul face au sentiment de plénitude et d’excitation que m’apportait ce projet délinquant. Qu’avais-je à perdre? Après tout, Lucky et moi avions échangé quelques textos savoureux après notre première aventure texane. Bien entendu, j’étais déjà en pleine planification de mon déménagement prochain à Austin…

Après les premiers moments de chaudes retrouvailles, je découvre le personnage idéalisé et ses très étranges habitudes de vie. Mon cher Lucky ne mange qu’une fois par jour. Vers 15h, avec ses premières margaritas (!), après une matinée consacrée au café et au premier paquet de cigarettes de la journée. Quand ton estomac à toi a déjà commencé à se digérer lui-même, finalement. 2000 calories d’un coup, bam (sans légumes, ça va de soi), j’avais intérêt à bien choisir mon menu (toujours au resto, évidemment, un cowboy, ça ne cuisine pas). OK…je dramatise, c’est juste un rythme différent, je laisse donc une chance au coureur, et pendant ce temps-là, au moins, je retrouve une ligne superbe.

Mais c’était sans compter le manque de sommeil. Pour couvrir le ronflement nocturne de ses deux boxers (adorables par ailleurs), Lucky a eu la merveilleuse idée d’investir dans un émetteur de bruit blanc. Alors, pour les néophytes, du bruit blanc c’est ça :

Combiné au ventilateur géant qui trônait contre le mur de la chambre, on devait bien atteindre les 120 décibels (ok j’exagère…). Pendant 8 heures. Question : et moi, je dors quand?

Cerise sur le sundae, le tout se faisait sans grands échanges. Où était passée notre complicité? Morte de faim elle aussi? Pour « nourrir » nos conversations, il n’avait pas trouvé mieux que de me faire faire un peu de plomberie (je sais désormais installer un filtre de piscine, extase totale) et de partager avec moi ses trois sujets de conversation favoris : les voitures – SA voiture, l’immobilier et l’argent. Tsé là, t’as un gars qui fait 3000 km pour venir te voir et se la jouer romance exotique, et toi, ben, tu fais la liste des activités et des sujets plates que vous pourriez partager. Bonheur en la demeure.

Pour finir, un peu de croustillant. Mon Texas ranger avait un penchant très prononcé pour le sexe (je ne m’en plaindrai pas…) mais il n’hésitait pas à m’expliquer avec qui il avait couché, ou mieux, qui voulait coucher avec lui dans le bar où nous étions (je vous le conseille, c’est une sensation superbe, ce petit pincement en live dans ta poitrine qui s’apparente en fait à une grosse claque dans ta face), ou encore comment il avait fait de l’argent en faisant du porno, du strip-tease, et à quel point ses « gay pool parties » étaient sympathiques quand ses amis copulaient autour de sa piscine. J’ai l’esprit ouvert mais j’ai compris que Lucky et moi, on n’allait pas emménager ensemble dans le château de George Bush. J’ai donc ravalé ma robe de princesse, remballé ma fierté et suis rentré à Montréal en comprenant que je ne reverrai pas le Texas avant longtemps.

Moralité : Au pays du YOLO, l’ennemi juré qui fait retomber le vent dans vos cheveux et vous laisse complètement hirsute s’appelle la réalité. Ma réalité à moi c’est que des cheveux, je n’en ai plus. J’aurais dû y penser avant de faire le grand plongeon. Évidemment, ce qui me rassure, c’est que j’en ai été capable, et maudit que c’est bon de n’avoir aucun regret, même après s’être cogné la tête contre le fond de la piscine (avec son filtre flambant neuf).
Authentique jusque dans l’audace et la bêtise. Je suis fait comme ça.

PS : je vous rassure, j’ai repris tout le poids perdu, depuis. Et même plus.
PS2 : c’était quand même un gentil garçon, mon cowboy…

* Les noms ont été modifiés.