Il y a quelques jours, je suis devenu canadien. Ouais, CA-NA-DIEN. Avec la cérémonie, la prestation de serment d’allégeance à la Reine d’Angleterre, le ô Canada (en version bilingue…shit, j’avais juste appris la version française) et tout le toutim. Après 5 ans à Montréal et être passé par le parcours du combattant face à l’administration. CA-NA-DIEN.
Ça peut sembler un peu kitsch de le dire, mais oui c’était émouvant. 199 personnes autour de moi, 47 nationalités. Des réfugiés, des familles, des couples, des cris d’enfants dans la grande salle des Fusiliers Mont-Royal. Tous là pour la même raison : s’enraciner un peu plus ici (version romantique) OU avoir le passeport canadien et ne plus dépendre d’un visa ou d’un permis de travail renouvelable, et retourner dans son pays avec une option de vie supplémentaire en poche (version légèrement cynique). CA-NA-DIENS, eux aussi.
Cet événement a fait remonter à la surface émotions et souvenirs enfouis. Je me suis souvenu du jour où j’ai démissionné de mon emploi de mediaplanneur à Paris. Ce jour étrange où je suis entré dans le métro, station Château d’Eau, tenant fermement le sac dans lequel se trouvait la lettre que j’avais rédigée la veille. Mon sésame vers un autre possible, un pas en dehors de ma zone de confort. M’est revenu en mémoire le moment précis où j’ai aperçu cette voyageuse dans la rame, qui portait un sac estampillé « À la Montréal« , alors que la première chanson que j’ai connue de Céline Dion, Je danse dans ma tête, commençait à jouer dans mon Ipod. Un signe que mon départ vers Montréal était juste? Peut-être, j’aime les signes.
5 ans plus tard, au milieu de cette foule bigarrée, c’était le petit gars de 11 ans qui prêtait serment. Celui qui s’enfermait dans sa chambre pour écouter Céline Dion (oui, oui, encore elle…) en s’inventant un monde meilleur, où il serait libre d’être lui-même. Il a fallu un autre pays, un autre possible. CA-NA-DIEN.
Plus qu’un changement de statut administratif, obtenir une nouvelle nationalité (tout en restant français), c’est avant tout une possibilité, une option. Quitter le pays, revenir m’installer en Europe pendant quelques années, puis poser de nouveau mes valises à Montréal, Toronto ou Vancouver : POSSIBLE. Sans tracasseries administratives. Ceux qui n’ont pas quitté leur pays peuvent difficilement imaginer ce que ça implique. Choisir le départ lorsque rien ne nous retient. Recommencer, faire tourner la boussole, changer de repères, se créer une nouvelle famille. Se retrouver seul dans un endroit où personne ne nous attend tout en restant ouvert à l’autre, malgré l’adversité et le déséquilibre. Une fois la porte ouverte, les certitudes s’envolent, les questions et les doutes seront là pour longtemps, tout comme le petit pincement au cœur d’être celui qui reste, lorsque les amis ne sont que de passage (ahhhh chers PVTistes…), ou encore la culpabilité d’être loin de la famille de sang.
Alors que j’écris ces mots en direct de Rome, c’est ma partie italienne qui parle. Un peu français, un peu canadien, un peu italien, mon identité devient floue, mais paradoxalement semble se renforcer, et transcende le fait patriotique qui aujourd’hui n’est qu’un détail. Avoir les racines qui flottent un peu au-dessus du sol, ça aussi, ça fait de moi qui je suis.
Nous sommes en partie faits de notre passé, le nôtre, celui de nos parents et de la société qui nous a vus naître – c’est incontournable. À ce titre, nous contribuons nous-mêmes à l’enrichissement du présent de la société dans laquelle nous vivons. C’est ainsi que tel un mouvement perpetuel, nous façonnons le présent et le passé. Jean-Christophe, je souhaite que ta nouvelle racine t’apporte autant que tu apporteras à tous ces CA-NA-DIENS que tu croiseras – pour moi, c’est déjà fait. God save the Queen!!’
Tes mots sont vraiment bien choisis. Très beau post qui exprime
bien le départ. « À la fin de l’envoi, je touche. »
Quand je suis parti pour Vancouver, c’étaient d’autres signes.
Ils sont arrivés à Vancouver justement, et ils étaient présents
dans les sacs Louis Vuitton, les sacs vive Paris, et la Tour Eiffel
en sérigraphie. Pas vraiment rassurant 😉