Parfois dans la vie, ça va mal. Mais tsé, là, quand ça peut pas aller plus mal, mais qu’on t’en rajoute encore une couche? Voilà. Eh bien c’est un peu ça la vie du personnage principal du dernier film des Frères Coen. Campé dans les années 1960, dans le monde de la musique folk américaine, Inside Llewyn Davis témoigne des pérégrinations (d’une série d’emmerdes, plus exactement) d’un musicien folk, qui essaie désespérément de vivre de son art…sans succès.

Entre deux gigs dans des bars plus ou moins miteux, Llewyn mène une vie sans attaches, passant d’un sofa à l’autre, courant après l’argent, soutenu par quelques amis compatissants. Son talent (réel) non reconnu en poche, il va se lancer dans un voyage avec d’autres musiciens et un chat abandonné, compagnons d’infortune, parasites dans sa vaine quête d’opportunités, qui refusent de s’offrir à lui ou qu’il sabote lamentablement. De ce road trip à destination de Chicago pour une audition qui ne marche pas à son amie déjà en couple qu’il a malencontreusement mise enceinte, la succession des emmerdes et l’étendue des dégâts prêtent à sourire.

Mais cette odyssée d’un loser pose surtout la question de la chance, de l’opportunité dans la vie, d’un « pourquoi moi? » résigné à un « pourquoi pas moi? » implorant, de la vie d’un artiste qui renonce à son art face aux difficultés d’en vivre. Même si Llewyn ne s’apitoie (presque) pas sur lui-même, il se débat dans le bain de l’absurdité d’une vie qui lui maintient la tête sous l’eau. Comment se réaliser quand tout semble n’être que vents contraires? Son chemin ne le mène nulle part; d’ailleurs, le film commence et se termine par la même scène, dans laquelle il se fait bastonner dans une ruelle sombre. Quand on a suffisamment tourné en rond et qu’on se rend compte que la chance nous est passée sous le nez, qu’on n’a pas réussi à la transformer, ou qu’on est juste soi et qu’on n’a pas forcément les clés…on finit dans le caniveau? Pas glop, la conclusion. Et pourtant, j’ai vu en Inside Llewyn Davis quelque chose de lumineux, en plongeant dans les tréfonds d’un potentiel non-réalisé, de l’injuste, du raté, on a envie de se consoler en reconnaissant l’absurdité de nos attentes face à la fatalité. C’est une fable profondément humaine. Est-ce abandonner que de changer de regard et de commencer à aimer ses échecs?