Hier soir avait lieu au Théâtre la Chapelle la première d’Obsolescence programmée, une performance multimédia qui réunit danse, projections vidéos, voix et musique. Le créateur Nans Bortuzzo (compositeur et créateur des effets visuels) présente une pièce très forte visuellement, où le public plonge dans l’univers sensoriel d’une femme en proie à ses démons et ses questionnements.
L’espace scénique est épuré et consiste en une plateforme blanche inclinée vers les gradins, sur laquelle évolue l’interprète du solo, la danseuse Miriah Brennan. Un système de caméra et projecteur fixé au plafond permet de projeter sur cette scène, des images, des ombres mais surtout d’utiliser les mouvements de l’interprète pour les restituer, les distordre, les synchroniser avec la musique et créer des illusions d’une interaction entre la danseuse et l’image projetée ou captée. À cette expérience visuelle contemplative s’ajoutent des épisodes de narration (la voix hors-champ est celle de la comédienne Alexa-Jeanne Dubé) et de danse (chorégraphie de Virginie Brunelle et Catherine Gaudet) qui s’alternent pour accompagner le questionnement de cette femme perdue, dépossédée, en lutte avec elle-même.
Dans ce quatuor (musique, chorégraphie, effets visuels, narration), c’est l’attention portée à l’image qui frappe particulièrement, d’ailleurs, la facture cinématographique du spectacle est évidente. Après les premières minutes d’introduction, un générique complet, dans une esthétique proche des génériques de séries américaines actuelles, est projeté sur la scène. Effets d’optique et fondus enchaînés renforcent cette imagerie dans laquelle la plateforme centrale devient écran, et où prennent vie des espaces multiples, aussi bien intérieurs (circulation sanguine) qu’extérieurs (quai de métro), qui accueillent les tourments de cette femme. « Je suis un point dans l’ombre, qui respire et qu’on oublie », dit la narratrice. Rien d’étonnant à voir l’interprète établir un dialogue chorégraphique avec la projection de son corps, son corps d’il y a une seconde, qui lui est capté puis restitué sous différentes formes (dont un magnifique contour qu’on dirait tracé au fusain).
Il y a quelque chose de magique dans Obsolescence programmée, car on ne peut qu’être captivé par l’ombre ou la lumière qu’elle projette tour à tour, qui émanent de son corps, de ses gestes, dans un ballet fascinant et hypnotique rythmé par un environnement sonore tout aussi englobant. C’est de cette interaction que jaillissent la beauté et la poésie. On se souviendra du final subtil où l’interprète se répand en une flaque d’ombre, après avoir lutté pour retourner vers la lumière ou cherché à s’en libérer. Une expérience marquante.
Crédit photo : Claudia Chan Tak
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