Après Caligula_remix et Don Juan_uncensored, François Blouin et Marc Beaupré renouent avec leur formule gagnante dans Hamlet_director’s cut, une réinvention de la pièce de Shakespeare dans une forme moderne au théâtre La Chapelle. Ici, la modernité s’incarne dans le traitement de la pièce, par le procédé de la capture de mouvement (motion capture) et qui sert le propos de la pièce de façon très efficace.

Forme et fond
Dans la pièce originale de Shakespeare, après que le fantôme de son défunt père lui révèle qu’il a été assassiné par son propre frère, le prince Hamlet essaie de se venger de son oncle, qui a séduit la reine, la mère du héros. Pour arriver à ses fins, Hamlet feint (?) la folie et utilise le théâtre pour mettre en scène une pièce révélatrice afin d’instiller le doute et faire jaillir la vérité sur le meurtre.

Seul en scène, derrière un rideau/écran transparent sur lequel sont projetées les « silhouettes » captées, Marc Beaupré incarne non seulement Hamlet, mais aussi différents personnages de l’intrigue. Par des mouvements de pantomime minutieusement choisis, l’acteur illustre, dans une étrange chorégraphie (j’ai eu un flash des 5 mouvements de la série The OA, sur Netflix), les gestes des personnages dont il va ensuite commenter les actes.
Et. Ça. Marche.

Une formule gagnante
Sur scène, entouré des fantômes qu’il crée lui-même, le Hamlet de Beaupré et Blouin est aux prises avec sa propre mise en abyme et ses doutes et tente de réécrire son histoire, comme un metteur en scène omniscient. Est-on vraiment dans un solo, quand la tête du personnage principal est peuplée des démons qui le torturent? Hamlet devient gardien de son propre destin en se remettant sans cesse à la table à dessin et nous fait entrer dans le « théâtre dans le théâtre ». Il s’analyse et se cherche : « Je suis Oedipe », crie-t-il. Le personnage se redéfinit dans la scène qui a changé le cours de son histoire et la réinterprète afin d’y trouver le sens qui lui manque cruellement. En une heure quinze de spectacle, un condensé complet de la pièce de quatre heures de Shakespeare est présenté.

L’interprétation de Marc Beaupré est impeccable. Vêtu simplement, sans fioritures, il navigue entre force et faiblesse avec subtilité, d’un personnage à l’autre, essayant de dompter le doute qui assaille Hamlet. Le procédé visuel de la motion capture fonctionne très bien, pas besoin de plus d’artifice pour servir le propos de la folie, de la confusion, et des troubles de l’identité. D’abord intrigué par la chorégraphie nécessaire à la capture de mouvements, le spectateur se trouve hypnotisé par l’inventivité de la forme et la technologie, mais ne perd pas pour autant contact avec le fond. C’est un mariage heureux et bien équilibré entre le classique et le moderne auquel on assiste.

La pièce a bénéficié d’une promotion importante, ce qui explique que les premières représentations affichent déjà complet. Néanmoins, des supplémentaires viennent d’être ajoutées le mercredi 5 avril à 20h et le dimanche 9 avril à 16h. Profitez-en pour dépoussiérer vos classiques et explorer le doute et le questionnement d’un personnage iconique dans une forme inspirante.

Crédit Photo : Benoît Beaupré
À la Chapelle du 3 au 14 avril.