C’est l’histoire de Dieu dans le chantier de la création, enfin Blaise Ludik de son nom, qui donne naissance aux créatures qui sont censées peupler la terre. La première est ratée, un être proche du chien, avec un pénis sur le front, ça part mal la lignée d’Adam. La deuxième est Mélanie Zucconi, sorte d’Ève aux jambes frêles. Blaise Ludik recherchant la perfection, il se débarrasse de sa première version pour créer Ludovic Barth, dont le pénis à la bonne place lui donne un avantage certain sur la fonction reproductrice. C’est l’amour immédiat avec Mélanie Zucconi. Sauf que Mélanie ne tient pas sur ses jambes. Déçu et en colère, son père la tue et l’abandonne sous une bâche de plastique pour créer Mathylde Demarez, LA merveille, (qui sera, elle, obsédée par le rôle que lui donne son père : la copulation). Mais Ludovic Barth reste obsédé par Mélanie Zucconi donc il apprendra au cours de la pièce qu’elle est encore vivante et enceinte. Colère de Dieu. Drame. Générique.
C’est dans un étrange univers que cette relecture trash de la Genèse a lieu. Dans un jardin d’Eden représenté par un carré de terreau planté d’un yucca malade, les interprètes pataugent allègrement et tentent de communiquer à coups de phrases convenues et vides de sens, prononcées par les voix de synthèse qui sortent des haut-parleurs scotchés à leur poitrine. L’utilisation de Siri ou d’une voix de GPS comme bande sonore, c’était déjà une trouvaille (technologique) intéressante, mais le jeu des acteurs, soutenu par un lyp-synch (volontairement) pas toujours réussi, permet de faire sortir cette voix profondément humaine qui jaillit parfois pour trahir les émotions réelles, la douleur authentique et originelle. De là à y voir une métaphore de la condition humaine prédéterminée, dont on se libérerait grâce à la parole « ressentie » (théâtrale?), il n’y a qu’un pas. De même, en voyant Blaise Ludik construire une installation tout au long de la pièce, on en vient à se demander si l’humanité n’est finalement pas qu’un bricolage, qui finit en une apothéose destructrice. Et plus on tire sur le fil, plus la pelote du sens se déroule et s’emmêle en de multiples couches de questionnements.
L’ovni, tel que le qualifie le programme, est une réussite, un bonheur d’inventivité au niveau de la mise en scène, qui se rapproche plus d’un délire trash que du théâtre à proprement parler. Et sous ses airs de grand n’importe quoi, c’est une sacrée performance qu’ont offerte les 4 protagonistes. Entre absurde et trash, on est heureux de voir cette exploration scénique, qui fait sortir le spectateur de sa zone de confort, et plus que jamais questionne le sens de notre existence même, dans notre imperfection et notre finitude.
Au théâtre de la Chapelle, jusqu’au 28 février 2015
Crédit : Daniel Cordova
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