Solo performatif multi-disciplinaire et autobiographique de Thomas Duret, Une excellente trilogie sur la vie est à l’affiche de La Chapelle Scènes Contemporaines du 29 novembre au 8 décembre. Thomas Duret propose au public une exploration de sa chronologie personnelle : passé, présent, et futur. Simplement découpé en trois tableaux, ce solo présente l’articulation entre l’universalité de la question du temps qui passe et la singularité du parcours de vie d’un artiste qui se cherche.
Dans le premier chapitre de cette exploration personnelle, on suit Duret in utéro, lors d’un moment à la lenteur évocatrice, contemplatif et fascinant. Nu sur scène, il rampe, se contorsionne, apprivoise son corps et son environnement en saisissant de façon malhabile des objets épars dont on devine qu’ils symbolisent des souvenirs ou des anecdotes de son enfance. Seul le son des gouttes d’eau qui tombent d’un bloc de glace fondant vient ponctuer cette scène hors du temps. Ce tableau se termine avec une projection de photos d’enfance et le générique du dessin animé Mowgli. Clin d’oeil mignon et pop à ce qu’on garde parfois en soi, sans trop savoir pourquoi. Des détails, des bribes, des chansons.
Le second tableau, quant à lui, complexifie la proposition. Pendant de longues minutes, au son d’une musique sourde et hypnotique, l’artiste dispose au sol des dizaines d’éclats de miroir. Le questionnement du spectateur peut alors commencer : on sait qu’on est dans le présent, le programme l’a dit, mais que dessine-t-il? Que construit-il? Se regarde-t-il? Perdu dans le labyrinthe de ses reflets, on en vient surtout à se dire qu’il tente de construire symboliquement une identité éclatée (narcissique?) et éparpillée, et là encore, l’universalité du propos résonne en soi. On est tous composés de fragments épars et désunis, qu’on essaie de dompter, de réprimer ou de mettre en valeur, mais c’est dans leur puzzle informe qu’on finit par se reconnaître…plus tard dans la vie.
Pour le tableau final, celui qui touche au futur, on est bien évidemment dans le flou. L’artiste a choisi de projeter des phrases qui questionnent la nostalgie, mais qui trahissent aussi la crainte de la mort. « Nous sommes des utopies », peut-on lire. Marchant dans l’obscurité de son labyrinthe de miroirs, dans un nuage de fumée troublant la vue, Thomas Duret diffuse les témoignages savoureux de personnes âgées, ses grands-parents, qui évoquent des souvenirs et parlent du temps qui passe. Il semble inscrire ainsi son parcours singulier dans une histoire familiale.
Dans l’ensemble, la grande maîtrise de l’espace par Duret est à noter. Rien ne semble échapper à son contrôle dans chacun des tableaux présentés où chaque détail semble prévu. Une excellente trilogie sur la vie est un premier pas conceptuel dans un questionnement si large qu’il en est vertigineux. Une proposition de réflexion universelle dans laquelle chacun peut se projeter, pour peut-être y trouver un fragment de son propre reflet.
Crédit photo : Colin Earp-Lavergne
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