En offrant Résonances au public, Carole Nadeau (compagnie Le Pont Bridge) a frappé un grand coup. Ce déambulatoire pluridisciplinaire d’une heure mobilise tous les sens du public dans une expérience unique, au cœur d’une bulle sensorielle.
L’église Ste Brigide, lieu sacré et totalement investi par le spectacle, était le terreau de cette expérience hors normes. Grâce à un système d’écrans translucides, des corps âgés et nus sont projetés et viennent habiter l’église, ils seront présents tout au long de la représentation, compagnons du public, objets et sujets du décor. Ils s’animent, se meuvent doucement, évoquent parfois la sexualité, la douceur, la tendresse des corps usés par le temps, des corps dans ce qu’ils ont de plus vrai et de plus vécu. Immergé dans ce bain visuel puissant, le spectateur entend des textes dans lesquels le propos sexuel et amoureux est omniprésent, fragments auditifs qui ajoutent encore au flirt entre profane et sacré. Mais l’expérience serait paradoxalement désincarnée si on en restait là. Des performeurs, en chair et en os, parlent, interagissent, déclament, et leurs corps se déforment lors de séquences de performances aux quatre coins de l’église.
D’une station à une autre, le public est libre de choisir quel performeur il va écouter, regarder, ou fuir, tantôt voyeur, tantôt acteur, prisonnier volontaire de son expérience. Et c’est la grande réussite de cette performance : offrir au public le choix de perdre totalement ses repères, qu’ils soient physiques, spatiaux, ou de valeurs. Un acteur déguisé en prêtre invite des membres du public à se confesser, et les attire dans l’un des confessionnaux de l’église. Absolution venue d’un autre temps, frissons d’une histoire catholique lointaine qui ressurgit. L’immersion en devient totale, parfois dérangeante. Corps nus, propos explicites, environnement sonore haletant, lieu sacré, pénombre : le bombardement des certitudes et des attentes est infini, dans cette expérience pénétrante et inclassable qui fait perdre la boussole.
Crédit photo : Michel De Silva
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